Tiphaine SAMOYAULT Travaux et publications
 
 
 

 


L'hybride et l'hétérogène
Publié dans L'Art et l'hybride, Presses Universitaires de Vincennes, 2001, pp. 175-186
(Extraits)


Sans recourir à des exemples « manifestement hétérogènes » mettant en jeu l'utilisation de plusieurs arts ou médiums sensoriels, mais en m'en tenant au travail de l'écriture dans le texte littéraire, j'aimerais revenir sur la distinction entre hybridité et hétérogénéité. La première émane d'une forme, issue de plusieurs types d'interactions, d'un rapport constant et assumé à l'altérité tandis que la seconde présente l'avantage de la dynamique en étant un principe actif vers la forme. La distinction révèle, me semble-t-il, quelque chose de notre place dans le langage : et l'hybride peut signaler le cadre de cette place tandis que l'hétérogène peut apparaître comme sa conséquence poétique, son principe d'expression.

1. L'hybride comme principe formel

L'hybride, on le sait, provient “du croisement de variétés, de races, d'espèces différentes“ (le mulet est un hybride de l'âne et de la jument). Vient ensuite le “mot hybride”, formé d'éléments empruntés à des langues différentes (hypertension) ; puis enfin le sens courant : “composé de deux éléments de nature différente anormalement réunis”. Le spectre de l'hybride nous conduit donc de la création (éventuellement monstrueuse ou chimérique) au simple mélange, au composite. C'est là qu'intervient l'hétérogène, défini comme “composé d'éléments de nature différente” ou encore comme “ce qui n'a pas d'unité”. On le voit déjà, le second terme apparaît, dès sa définition la plus simple, comme une conséquence du premier, qui lui suppose une action, une intervention opérée sur la nature. (...)

Et un premier état de l'art, où l'on sort d'un ordre pour entrer dans un autre, grâce à une action délibérée d'augmentation ou de transformation de la nature des choses. On quitte le terrain de la génération pour entrer dans celui de la création (...)
L'enseignement de l'hybride est donc d'une indéniable richesse puisque d'une part il concerne des procédés (substitution, inversion, collages) et il entraîne une critique du signe et que d'autre part, il conduit une forme, marquée pour sa part du sceau de l'hétérogène et dont les caractères sont : l'entre-deux, la coupure, la métamorphose, la combinatoire, l'effraction, l'inquiétude, bref, tout ce qui naît d'un travail d'instabilisation, ou de ce que de Certeau appelle « active contradiction d'un intérieur et d'un extérieur. »

À partir de là, comment définir sa propre hybridité ? Comment reconnaître les mécanismes de son hétérogénéité ? Pour le dire, il me semble important de distinguer deux plans : de la posture et de la détermination d'auteur, d'une part (plan de l'instance de production) ; du texte qui en résulte d'autre part (plan de l'objet créé). L'hybride et l'hétérogène jouent sur ces deux plans, à considérer tous deux, me semble-t-il, lorsqu'on se trouve engagé, au présent, dans une démarche créatrice ; et mon but ici serait peut-être de connaître si le jeu de ces principes a des conséquences directes de l'un à l'autre plan. Au plan de l'instance de production, l'hybride me semble définir une place dans le langage, déterminée par une position historique et par des choix poétiques – marqués ou non par l'hétérogène. Au plan second de l'objet créé, il caractérise plutôt une forme et des procédés d'hybridation de la forme. Dans quelle mesure cette hybridation de la forme résulte d'une hybridité de la posture ?
(...)

< suite >

 

© Tous droits réservés

 

 
   
   
   
 
 


Textes en ligne

L'intertextualité

Référence, référencialité, relation.
(extraits du chapitre III.)

<Une introduction>

<Le texte contre le monde>

<Vers une théorie de la "référencialité">


<Divergence et convergence>

<Conclusion>

Poses du lecteur dans
L'Homme sans qualités

L'Hybride et l'hétérogène

 

Retour bibliographie générale