L'Intertextualité, mémoire
de la littérature
(Nathan,
« 128 », 2001)
(Extraits)
Une introduction
Ce livre-ci […]
n'est rien d'autre que la transcription d'un cauchemar
non moins fidèle, lui-même issu d'une
lecture hâtive et, je le crains, lacunaire,
à la lumière suspecte de quelques pages
de Borges, de je ne sais quel Dictionnaire des Œuvres
de tous les temps et de tous les pays.
Gérard Genette,
Palimpsestes, à propos de Palimpsestes.
Les analyses qui précèdent ont montré
combien l'examen de la notion d'intertextualité
engageait toute la réflexion sur la nature,
les dimensions et la mobilité de l'espace littéraire.
Il est surprenant de voir à quel point cette
notion paraît nécessaire à toute
caractérisation de la littérature, puisque
aussi bien il semble impossible de le faire sans renvoyer
à la façon dont celle-ci s'élabore
comme une champ autonome. Et quoi de plus révélateur,
pour la constitution de cette autonomie, que la référence
que la littérature ne cesse de faire à
son propre univers. Au point que le jeu de la référence
– la façon dont la littérature
renvoie à elle-même – semble toujours
contredire celui de la référentialité
– le lien de la littérature avec le réel.
Comme dans le fameux dessin fictionnel de la bibliothèque
de Babel, un univers-bibliothèque abolit tout
contact avec une extériorité et ne témoigne
plus que de lui-même. C'est la leçon
de la fable borgésienne : la bibliothèque
est la sphère qui contient la sphère
sans laquelle la bibliothèque n'existerait
pas. Le trajet par lequel, dans ce texte, aucun terme
– de l'univers et de la bibliothèque
– n'est plus important que l'autre est permis
par l'absence d'intelligibilité de l'un comme
de l'autre. Dès lors, la fin que se propose
la littérature ne paraît pas de se constituer
en reflet du monde mais de souligner que son intelligibilité,
dont la saisie est toujours reculée, pourrait
se situer quelque part, toujours au-delà des
possibles du texte, pourtant nombreux.
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